• Anarchisme/Libertaire

    S’il a des racines plus anciennes, le mouvement Anarchiste-Libertaire naît véritablement au sein du mouvement ouvrier au XIXème siècle.
    Il se développe, en tant que courant révolutionnaire, et plus particulièrement socialiste et antiautoritaire, au sein de la première Association Internationale des Travailleurs (AIT), appelée couramment Première Internationale.
    Suite à une lutte contre les postures Autoritaires et Hiérarchiques de Marx et des sociaux démocrates de l’internationale, les Anarchistes-Libertaires en sont exclus et se retirent en 1872. C’est à la suite de cette rupture que naît le mouvement Anarchiste-Libertaire en tant que tel.
    Après cette rupture, le mouvement Anarchiste poursuivra sa dynamique d’interventions dans les mouvements sociaux, ainsi que d’élaboration stratégique, concernant la forme d’organisation nécessaire afin de favoriser la transformation de la société, et théorique, sur la critique du pouvoir et les perspectives d’émancipation sociale.

    Positionnement et projet de société

    Libre association et Fédéralisme
    La logique de libre association traverse l'ensemble du mouvement anarchiste ouvrier, et trouve son aboutissement dans la logique fédéraliste.
    Globalement, le fédéralisme consiste dans libre association des producteurs, et au-delà, des collectivités de vie et des individus. S’opposant au centralisme étatique et gouvernemental, où l’Etat s’érige comme structure autonome surplombant et commandant la société, il est la base de tous les anarchismes. Viennent ensuite certaines précisions.

    L’assemblée décisionnaire
    Se constituant « de bas et haut et de la périphérie au centre », l’anarchisme se fonde sur des assemblées décisionnaires à la base. Tout individu appartenant à un groupement de base peut y participer, y intervenir librement, émettre des propositions, des critiques, exprimer son avis.

    La délégation et le mandat impératif
    Il peut être difficile, lorsqu’il s’agit de décider et de s’organiser à grande échelle, de réunir toute une population à un même endroit. La délégation s’avère alors nécessaire.
    Pour éviter les phénomènes de pouvoir et d’autonomie des mandatés par rapport à la base, le mandat doit être impératif, c'est-à-dire fondé sur des objectifs précis et prédéterminés que le mandaté devra remplir. De plus, pour éviter l’installation d’individus dans les instances décisionnaires à grande échelle, le mandat doit être délimité dans le temps, court, limité dans le nombre de renouvellements, et surtout révocable à tout moment.

    La question économique

    Coopérativisme et Mutuellisme (ou Mutualisme)
    Ils correspondent à des formes d'organisation ouvrières en vue de survivre dans le capitalisme. Certains ont tenté de bâtir des projets de société à partir d’elles. Ce fut le cas par exemple de Proudhon. Mais ces formes d’organisation n'abolissaient pas le capitalisme, autant du point de vue de la propriété que de la valorisation de la valeur. Ils aboutissaient à des formes de micro-capitalisme. Dans le carde d’un changement de société, soit elles auraient abouti à une régénérescence du capitalisme, soit été soumises à la crise de la valeur inhérent au système capitaliste.

    Le Socialisme Libertaire
    Bakounine combine le fédéralisme et l'abolition de l'Etat de Proudhon, avec l’unification économique et l'abolition de la propriété privée des moyens de production présentes chez Marx.
    Mais il reste encore certaines questions à trancher.
    Après la mort de Bakounine, le courant dit "socialiste libertaire" se divise en deux sous-courants : le courant collectiviste libertaire et le courant communiste libertaire

    Le Collectivisme Libertaire
    Ce courant entend maintenir une forme de salariat, la rémunération au mérite et la monnaie-argent ("A chacun selon ses moyens/capacités")

    Le Communisme Libertaire
    Les communistes libertaires (Kropotkine, Malatesta, Reclus, Cafiero), estiment que ce type de société sera inégalitaire, et rejettent à la fois tout salariat, la rémunération au mérite, l'argent (de chacun selon ses moyens/capacités, à chacun selon ses besoins).

    Immédiatisme et gradualisme (ou graduelisme)
    Globalement, le communisme sera progressivement adopté par tous les anarchistes. Cependant, la rigueur sur cette question semble se relâcher, et la plupart des organisations anarchistes actuelles, lorsqu'elles réfléchissent à court terme, envisagent un passage graduel au communisme (inspiré du gradualisme/graduelisme révolutionnaire de Malatesta), un détour éventuel par du collectivisme mêlé de mutuellisme, plutôt qu'un basculement immédiat (Kropotkine).

    La stratégie organisationnelle de l’anarchisme

    Insurrectionnalisme et communalisme libertaire
    Durant la période du mouvement ouvrier naissante, et avec l'époque de la commune de Paris, celle de Lyon, etc., l'anarchisme s'articule sur deux logiques :
    L'insurrectionnalisme : inspiré du Blanquisme (insurrections minoritaires) et du Marxisme (nécessité d’un soulèvement de masse), et oscillant entre ces deux conceptions, il consiste à chasser le pouvoir d'Etat et ses déclinaisons locales, puis les propriétaires capitalistes.
    Le communalisme : il s’agit de développer des communes libres, qui se soutiennent entre elles (fédéralisme).

    L’épisode plate-formiste et la synthèse anarchiste
    Plateforme Archinov, 1922
    Organisation spécifiquement anarchiste et révolutionnaire. A servi de base à la structuration de nombreuses organisations anarchistes, et d’anti-modèle à d’autres, plus sensibles aux thèses individualistes et à l’approche synthétiste.

    Synthésisme anarchiste (Voline, Faure)
    Idée selon laquelle il faut opérer une synthèse entre ses différents courants (communistes libertaires et individualistes) pour unifier le mouvement anarchiste.

    Plateformisme communiste libertaire (Makhno, Archinov)
    Idée selon laquelle les communistes libertaires doivent s’organiser en vue de la révolution.

    Le syndicalisme révolutionnaire
    Cette stratégie communaliste-insurrectionaliste ne marche pas, et parallèlement, se développent les premières formes d'auto-organisation ouvrières qui aboutiront à la naissance des premiers syndicats (fédération des bourses du travail et CGT puis fusion des deux). Une partie des anarchistes changent alors de stratégie de construction de leur mouvement pour s'orienter vers le syndicalisme révolutionnaire.
    Le rôle du syndicat ne se limite pas à la lutte économique salariale, mais consiste aussi à intervenir dans l’ensemble de la société et à porter un projet de transformation sociale.
    Le syndicalisme révolutionnaire regroupe plus largement que les seuls anarchistes (des ultras, des socialistes blanquistes, etc.). Il postule que le basculement s'opèrera par la grève générale, et non plus par l'insurrection barricadière, et vise une gestion de la société par le syndicat, qui remplacera alors l'Etat.
    Certains anarchistes (dont Pierre Besnard, CGT-SR puis à l'origine de la première CNT en France) issus du syndicalisme révolutionnaire opèreront la synthèse entre communalisme (gestion par les assemblées communales) et syndicalisme révolutionnaire (gestion par les syndicats). Globalement, c'est cette synthèse qui domine depuis cette époque dans le mouvement anarchiste ouvrier.

    L’anarcho-syndicalisme
    L'anarcho-syndicalisme est un prolongement du syndicalisme révolutionnaire, mais en diffère sur un point précis : Tandis que les SR considère que les anarchistes doivent agir auprès des grandes masses de travailleurs et avec, et contre, les autres courants politiques présents au sein d'un grand syndicat de masse et de classe, les anarcho-syndialisme considèrent qu'il faut construire un grand syndicat de masse sur une base directement anarchiste.
    Cette stratégie de construction organisationnelle prenait tout son sens dans l'Espagne de 36, du fait qu'elle avait un énorme ancrage dans la population (500 000 adhérents, 2 millions durant la guerre). Aujourd'hui, la stratégie anarcho-syndicaliste, même si les CNT en France comptent pour certaines plus d'un millier d'adhérents, apparait un peu hors sol comparée à la pertinence de la CNT espagnole des années 30. Mais cette évolution correspond également, dans les années 1920 à une période de prise de contrôle de la CGT par les sociaux-démocrates et les communistes autoritaires (qui se développent après la révolution Russe), de verrouillage, de mise en minorité et d’exclusions des anarchistes. Privés d’outil syndical de masse pour intervenir, ils créent leurs propres syndicats : scission de la CGT-SR, puis renaissance en tant que CNT après la seconde guerre mondiale, à l’approche de laquelle la CGT-SR avait été dissoute.
    Avec la diminution de la mainmise stalinienne sur la CGT, les scissions qu’elle a connue et le développement des syndicats SUD/Solidaires, cette stratégie peut être réinterrogée. Aujourd’hui, on parle de développer une intersyndicale lutte de classe, révolutionnaire, multi courants, sur les bases des franges combattives et radicales de Solidaires, de la CGT, mais aussi ouverte à celles, tout aussi combatives et sur des bases lutte de classes, de FO et CFDT, de laquelle les CNT pourraient et devraient faire partie.

    L’organisation anarchiste spécifique
    La stratégie de l’organisation Anarchiste spécifique (FCA) se construit en partant du constat de la mise à distance des militants anarchistes au sein de la CGT durant la période précédant la première guerre mondiale et de la nécessité d'une propagande anarchiste spécifique qui aille plus loin que ce que fait le syndicat. Il s'agit donc le plus souvent d'une double activité : activité syndicaliste révolutionnaire au sein des syndicats de masse, doublée d’une propagande spécifiquement anarchiste.
    Aujourd’hui, cette stratégie de construction organisationnelle est notamment portée par Alternative Libertaire, mais aussi par la CGA et en partie par la FA.

    L’anarchisme autonome
    Enfin, citons l'anarchisme autonome, qui est assez hors sol également, mais qui s'appuie quand même sur des expériences historiques d'autonomie relativement consistantes en Allemagne et en Italie (d'ailleurs pas nécessairement menées par des anarchistes, mais par des communistes autogestionnaires, marxistes anti-étatistes, dissidents du PC durant les années 1970-80).
    On y distingue une branche ouvrière, quasiment disparue, et une branche communaliste-insurrectionaliste, qui se maintient et mute, particulièrement active au niveau de l’écologie et de la décroissance, des communautés de vie autonomes, du ZADisme.

    Quel anarchisme retenons-nous ?

    Nous retenons, comme l’ensemble des Anarchistes, la logique fédéraliste, de libre association, l’assemblée et le mandat impératif. Nous nous inscrivons dans un projet de transformation sociale clairement communiste libertaire, articulant syndicalisme et communalisme, mais aussi dans une stratégie gradueliste révolutionnaire, plateformiste en pratique, sythésiste en finalité, syndicaliste révolutionnaire (tout en reconnaissant également l’intérêt, à long terme, et dans certaines circonstances, de l’anarcho-syndicalisme). Nous reconnaissons l’apport essentiel des expérimentations de modes de vies alternatives soutenues activement par de nombreux anarchistes, mais ne faisons pas le point névralgique du changement révolutionnaire. Nous pensons que c’est dans la rencontre et le soutient réciproque entre combat syndicaliste révolutionnaire et expérimentations concrètes qu’apparaitra la contre-société émancipée, autonome, révolutionnaire, capable d’en finir avec l’Etat, la domination de classe, le capitalisme et la société marchande.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 28 Mars 2015 à 18:11
    Michel

    Merci pour cet article intéressant.

    Partagé sur Socialisme libertaire :

    >>  http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/03/anarchisme-libertaire.html



    Salutations libertaires

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