• La Décroissance Communiste Libertaire face aux autres propositions écologistes

    Sur les limites des concepts d’écologie, d’antiproductivisme, d’écologie radicale, d’écologie révolutionnaire, d’écologie libertaire, d’écologie sociale et d’écosocialisme.

    1 Le problème du concept d’écologie « sans adjectif »

    L’écologie peut renvoyer a des logiques réactionnaires, capitalistes droitières et autoritaires, malthusiennes, spencériennes, et renvoie aussi, aujourd’hui, du fait de l’hégémonie de cette problématique et de son absorption par l’ensemble de l’échiquier politique, à une logique réformiste inconsistance. Elle devient une techno-logie (un discours technique) du pouvoir et de la domination. Pour pallier à cela, certains écologistes ont tenté de préciser par des adjectifs la nature de leur écologie, ou ont développé des expressions alternatives pour en parler plus précisément. Ces expressions sont-elles pertinentes ? Quelles sont leurs limites ? Pourquoi avoir fait le choix de la décroissance ?

    2 Ecologie radicale et écologie révolutionnaire

    « Ecologie radicale », comme « écologie révolutionnaire », dont on parle aussi un peu plus actuellement, renvoient d’abord à une démarcation politique par rapport à l’écologie réformiste. Cependant, sans précisions sur le type de radicalité ou de révolution dont on parle, elles peuvent être utilisées et récupérées par des courants non-anticapitalistes, non-autogestionnaires ou non-libertaires.

    La Décroissance Communiste Libertaire est, quant à elle, et comme son nom l’indique, communiste libertaire, et donc forcément révolutionnaire. A moins, encore, de se situer dans une vision immédiatise de l’anarchisme, et de créer ou de réveiller une vieille subdivision, en considérant la démarche gradualiste révolutionnaire de Malatesta comme réformiste. 

    Par ailleurs, « écologie radicale » est à peu près un équivalent de décroissance. On y retrouve les mêmes choses. Décroissance est un des noms qu’a pris l’écologie des débuts, des années 60-70, lorsque celle-ci à été ultérieurement récupérée par les réformistes et à perdu son contenu et sa portée critique radicale. Pour illustration, dans un petit livre intitulé « les écologistes », datant de 1977, on retrouve beaucoup de commun entre les écologistes de l’époque et certains décroissants d’aujourd’hui, comme le PPLD et le MOC. Aujourd’hui, avec la dérive réformiste du mouvement écologiste, on précise par « radicale » ou on qualifie de décroissance, ce qu’à l’époque, il suffisait de nommer écologie.

    « Ecologie radicale » renvoie donc, comme décroissance, à deux conceptions :

     à une critique plus pragmatique, concrète, scientifique, assez valable, des effets et des limites de la consommation et du modèle productif industriel actuel.

     à des logiques très réactionnaires, parfois moralistes, proches de l’écologie profonde, comme le malthusianisme, la nature pure, l’anti-IVG, l’anti-contraception, le refus de toute médecine scientifique, la critique des prothèses, de l’inauthenticité des rapports humains par la médiation technique, et à certains mysticismes cosmologiques.

    Il faut reprendre dans le fond la première dimension et critiquer fortement la seconde. 

    « Ecologie radicale » est une expression qui est aussi utilisée, dans une version très proche du social-libéralisme, par des mouvements proches du parti radical/de l'UDI, ou encore, d’une autre manière, par les fascistes du MAS. Mais là encore, la décroissance n’est pas innocentée, car elle est utilisée par Alain de Benoist, de la nouvelle droite, dans une version du localisme tentant par là de justifier les thèses identitaires.

    Sauf que la décroissance est plus connue politiquement pour son pan gauche, le MOC et le PPLD, qui, malgré leurs limites, en diffusent une vision progressiste et incluent la décroissance du pouvoir politique et des inégalités sociales (même s’il faut plutôt revendiquer leur abolition), tandis qu’ « écologie radicale » est aussi très connue pour les logiques populationnistes et malthusiennes… Peut-être que décroissance aussi en vérité. Mais à ce niveau, nous ne sommes pas arrivés au stade de ressortir de nos chapeaux l’anarcho-malthusiannisme, ou, du moins, nous en sommes encore loin (Il est très difficile de savoir si cette question se posera à l’avenir, mais elle ne semble pas constituer, aujourd’hui, une priorité en termes de réflexion ou de revendications).

    Cependant, et c’est sans aucun doute l’élément le plus important : « décroissance » met l’accent sur la soutenabilité, l’autolimitation, la nécessité de diminuer la consommation de ressources et le rythme de consommation de ressources, alors qu’écologie radicale met cette urgence à égalité avec certaines logiques de préservation qui ne sont certainement pas aussi prioritaires pour la survie de milliards de personnes dans le monde que ne l’est la question de la soutenabilité et donc de la décroissance. 

    De plus, décroissance met directement l’accent sur une démarche, une action : le fait de dé-croitre, de faire diminuer l’empreinte de l’homme sur la nature ; tandis qu’écologie renvoie à une idée générale, un état de fait. 

    3 Ecologie sociale

    A l'origine, le concept d’ « écologie sociale » de Bookchin amène des apports importants, mais ne pose pas le problème des limites de la croissance, de l'empreinte écologique. C'est une critique qui vise plus la conciliation homme/nature par la modification de la technique, mais qui omet la question de la soutenabilité, de l'autolimitation, de la décélération, de la décroissance. Il faut resituer Bookchin et l’apparition du concept d’ « écologie sociale » dans leurs contexte, celui de la société américaine des années 70-80, ou la réflexion sur la décroissance commençait à peine à émerger… Même si Bookchin à écrit jusque dans les années 2000 et qu’il aurait pu pousser davantage son concept à ce niveau, en intégrant les travaux initiés par Georgescu-Roegen et d’autres ensuite sur l’entropie.

    L’autre problème est aussi la manière dont Bookchin adjoint l’ « écologie sociale » au « municipalisme libertaire », comme stratégie de changement social (c’est d’ailleurs le titre de l’un de ses livres datant de 1997 « The Politics of Social Ecology: Libertarian Municipalism », même si le municipalisme libertaire lui est antérieur). Le problème du municipalisme libertaire est double. Il diffère du communalisme libertaire (dont Bookchin parle aussi, mais qui s’apparente au mouvement et à la stratégie des communistes libertaires pré-syndicalistes), tout d’abord, en ce qu’il s’appuie sur une analyse postindustrielle et postmoderniste erronée, selon laquelle les différences et les enjeux de classe ne seraient plus opérants (ce qui est largement faux) ; pour parvenir à l’idée que les libertaires devraient se présenter aux élections et gérer les municipalités en instaurant la démocratie directe et autogestionnaire locale. C’est à la fois proche de Marinaleda, et aussi très différent : Marinaleda a pris cette forme politique suite à un mouvement social et populaire de réappropriation des terres, donc des moyens de production, tandis que là, il s’agit de remplacer la démarche de mouvement social et de pression populaire par l’électoralisme, la lutte sociale pour le contrôle de l’économie par la lutte politique pour l’administration de la cité, sans poser, ou en posant très mal, la question du contrôle commun des moyens de production.

    L’analyse de la postmodernité, et ses aboutissements municipalistes, ne sont pas très éloignées de la « démocratie citoyenne » du Front de Gauche, ou des propositions trotskystes du NPA ou d’Ensemble. Mais ces deux derniers mouvements politiques, conscients des réalités de classe, admettent au moins, plus ou moins fortement, qu’il est impossible d’autogérer des municipalités de manière communiste dans le cadre du capitalisme et du centralisme étatique (du centralisme étatique actuel pour les léninistes-trotskystes les plus purs). Bookchin lui-même, avant de devenir libertaire, était issu du trotskysme… Cela-a-t-il influencé son rapport aux élections et aux institutions de pouvoir politiques ? Le fait est que le résultat est là, et donne des armes au NPA et à d’autres courants de la gauche radicale pour interpeller les libertaires sur la participation aux élections et l’entrée dans les institutions de pouvoir, et potentiellement, pour récupérer politiquement certains militants libertaires. Bookchin n’est par exemple pas très loin, à ce niveau, de ce que défend Besancenot.

    Les analyses et les propositions de Bookchin ne sont pas non plus très éloignées des positions citoyennistes vers lesquelles tendait André Gorz, ou que défendaient ouvertement les auteurs de Multitudes, sur la question de la perte de centralité du travail et de la lutte des classes au sein de l’entreprise. Il existe effectivement des transformations réelles du travail, comme la réduction massive, au moins dans les pays du capitalisme avancé, du nombre de personnes employées dans la production, et le développement d’une masse de travailleurs « surnuméraires » (selon la logique capitaliste) privés d’emplois, un développement de l’emploi hautement qualifié, une diminution de la concentration ouvrière dans un même espace. Il existe aussi une tendance à la limitation de la lutte de classe à un combat pour la seule captation de la survaleur produite. A ce niveau, la lutte de classe est, à moyen-long terme, totalement dépassée, perdue d’avance, et à côté de la plaque quant aux enjeux de l’époque. Elle est finie si elle ne trouve pas ses perspectives de dépassement.

    Or, justement, elle ne l’est pas, car ces perspectives de dépassement, de dépassement des crises économiques et écologiques, provoquées par les modèles capitalistes-productivistes-consuméristes, existent. Leur point de départ réside dans le contrôle commun des moyens de production, en vue d’une transition technique décroissante et d’une réorganisation communisme des rapports sociaux de production et de distribution. Cette démarche devra notamment passer par l’abolition du droit de propriété individuelle (par une personne ou un groupe de personnes) sur les moyens de production, et tendre vers la propriété commune, sociale, de ces derniers. Pour cela, la classe prolétarienne (celle qui ne possède pas de droit de propriété sur les moyens de production), devra s’organiser en « classe pour soi », autonome et démocratique, contre l’Etat et la classe possédante. Pour le Marxisme, ça s’appelle le parti de masse ou de classe (son rôle, notamment vis-à-vis du pouvoir politique, est évidemment problématique), pour les libertaires, cela se nomme le syndicat (révolutionnaire ou anarchiste). Face aux théoriciens postmodernes de la fin des classes, de l'ère des multitudes, de l’atomicité du mouvement, des réseaux, de la nébuleuse citoyenne, comme nouvelles formes sociale et nouveaux sujets de la subversion et de l'émancipation, les conceptions marxistes et libertaires ont au moins le mérite d’aider le prolétariat à s’auto-organiser en classe pour mener ce combat, le combat de la révolution.

    4 Ecologie libertaire

    On pourrait aussi parler d’ « écologie libertaire », qui est parfois utilisée, ou d’ « écologie communiste libertaire »… Mais la première ne précise pas le communisme, et les deux restent dans le flou au niveau de la question de la soutenabilité et de l’autolimitation, pouvant osciller entre une posture développement durable suicidaire et une posture décroissante. 

    5 Ecosocialisme

    D’abord lancé dans le champ politique par la LCR puis le NPA, l’écosocialisme s’est ensuite diffusé au sein du Front de Gauche et du Parti de la Gauche Européenne. Il est en discussion dans Nouvelle Donne et figure en tant que motion au prochain congrès du PS. Les versions  de l’écosocialisme sont essentiellement différentes au sein de ces différentes formations politiques. De fait, le terme devient porteur de confusion au niveau du sens. Cette confusion était potentiellement inscrite dans l’expression même, et ce dès le départ.  Le préfixe « éco » renvoie à l’écologie en général, sans se positionner explicitement en lui-même sur le type d’écologie dont il est question (croissance verte, développement durable, croissance zéro, décroissance). « Socialisme » renvoie quant à lui à toute une série de modèles économiques divers et contradictoires : autogestion généralisée, économie contrôlée par une bureaucratie d’Etat, logique d’Etat providence (consistant dans la production et capitation de survaleur (des profits), afin de financer le service publique ou mener des politiques de soutien et d’incitation). Il reste confus sur le maintien de la propriété privée des moyens de production et de la marchandisation associée, entre l’abolition du capitalisme et son encadrement. La nature du pouvoir n’est pas non plus précisée dans l’expression. Le pouvoir pourrait très bien être autoritaire, à la manière du despotisme ou de la démocratie représentative, ou autogestionnaire et libertaire. En ne précisant ni la nature de l’écologie, ni du modèle économique entendu par socialisme, ni la forme de pouvoir, l’écosocialisme se prête en lui-même à une série de récupérations potentielles. Il est en passe de devenir le nouveau mot d’ordre de la gauche réformiste et étatiste, la base de construction de nouveaux fronts populaires et de nouvelles perspectives gouvernementales, type union de la gauche. D’autre part, sa récupération possible par le PS en ferait une nouvelle techno-logie de la domination, un nouvel outil idéologique au service de l’Etat, des politiques autoritaires et de répression de la classe ouvrière.

    6 Le problème étymologico-philosophique de l’écologie 

    Voir l’essai : « Pour une décroissance communiste libertaire », chapitre 2, Abandonner l’ « éco-logie », 2014, p.18-19.

    « A l’origine, l’écologie est un sous-courant de la biologie. Cette science avait pour but de constituer une passerelle entre diverses disciplines des sciences de la nature. Le concept date du milieu du XIXème siècle. Il a été crée par Hernst Haeckel, a partir de la contraction des termes grecs Oïkos, qui signifie, « maison », « foyer », « milieu », voire « environnement » et logos, qui signifie « discours sur », ou, par dérivation du sens, « science de ». Ecologie, signifie donc « discours sur la maison » ou « science du milieu ». Il s’agit, pour cette science, d’étudier les interactions entre un sujet, en l’occurrence une espèce végétale et animale, avec son milieu, son environnement. Ce concept n’a véritablement pris un sens politique qu’a partir des années 70, pour devenir ce que l’on en connaît aujourd’hui. (…) 

    Penser en termes de maison, de milieu, d’environnement, renvoie à un mode de perception de la réalité hérité de l’imaginaire occidental dominant. Cet imaginaire se construit, dans un premier temps, sur un principe de séparation entre les différentes entités interagissantes. Une fois celles-ci artificiellement séparées, on en isole une pour réfléchir à ses interactions avec toutes les autres. Il n’y a pour le moment aucun problème à cela si l’on se limite à une stricte analyse scientifique. Le problème se pose en vérité, surtout d’un point de vue culturel, social et politique, à l’instant où « toutes les autres » subissent un double phénomène d’amalgame englobante et d’objectivation, de chosification, de réification. Elles sont alors niées dans leur individualité, dépossédées de leur subjectivité propre, pour devenir des choses, des éléments constitutifs du milieu, de la maison, de l’environnement. Le sujet, en l’occurrence l’Homme, devient, quant à lui, le maître possesseur de toutes ces choses dont il constitue le centre (anthropocentrisme). De la même manière, dans les sociétés technobureaucratiques, industrielles, capitalistes qui constituent les aboutissements de cette culture dominante occidentale, l’Homme – disons certains hommes : salariés, chômeurs, migrants, sans-papiers, étrangers – enfermé dans la logique de la raison formelle, comptable, technologique, instrumentale, est, comme l’ensemble des animaux et des végétaux, dissout dans une totalité et devient à son tour une chose, puis une quantité, une composante du milieu, une donnée statistique au service de la gestion technobureaucratique du capital. Ce n’est plus l’Homme, mais le propriétaire capitaliste, qui est maître et possesseur de toutes choses, tandis que les autres hommes deviennent les éléments de son milieu, ses choses, sa propriété. Dans ce processus, le manager d’entreprise ou d’Etat traitent les autres Hommes comme des choses, même s’ils sont eux-mêmes réduits à l’état de choses, d’objets, d’instruments à travers lesquels les propriétaires capitalistes réalisent leurs objectifs propres. D’une certaine manière, les tenants du socialisme bureaucratique ou de la dictature politique et du souverainisme, qui cherchent à ce que ce soit l’Etat qui devienne propriétaire et commandant de l’économie, ne constituent rien d’autre que des mouvements de contestation au sein de la bataille pour la possession et la maitrise des choses. Mais ils ne sont pas porteurs d’une perspective émancipatrice au sens où ils n’ont pas pour volonté d’abolir cet état de fait, d’en finir avec la désubjectivation, la réification et l’instrumentalisation du vivant. Au contraire, ils s’inscrivent dans la reproduction de cette logique, qui est la condition nécessaire de la reproduction sociale de leur domination. Or, ce type de rapports où l’autre est nié, n’est plus reconnu comme sujet avec lequel on partage quelque chose de commun, est un élément constitutif des rapports de violence sociale. La négation, l’absence de reconnaissance, [du sujet en tant que tel, que suppose le fait de penser en termes d’éco-logie] constitue le point de départ de cette violence sociale. »

     

    Les termes alternatifs 

    1 Antiproductivisme

    La critique est ici plus compliquée. L’antiproductivisme amène de bons apports sur la critique du système productif et la logique de contre-productivité. Mais il ne distingue pas croissance intensive (hausse de productivité) et croissance extensive (hausse du volume de production), et ne signifie pas clairement, en lui-même, la possibilité de la hausse de productivité en vue de réduire le temps de production nécessaire et de développer le temps libre (même si c’est une critique par ailleurs portée par certains antiproductivistes ou décroissants).

    Le problème, avec le concept d’« antiproductivisme », est qu’il tend à attribuer toute la responsabilité de la crise écologique et des limites de la croissance au système productif. Il peut s’agir d’une esquive du problème d’autolimitation, notamment chez certains écosocialistes anticapitalistes-antiproductivistes, qui s’en servent pour dire qu’il suffirait juste de prendre le contrôle du système productif, pour ensuite le changer, afin de satisfaire les besoins humains en harmonie avec la nature. En attribuant toute la responsabilité du problème à une classe dominante, ou en supposant une relation mécanique entre la prise de contrôle du système productif et sa transformation, ils éludent ainsi la question de l’autolimitation et la critique de la démesure. Le risque consisterait alors dans le fait que ces anticapitalistes, principalement préoccupés par les besoins sociaux (cette préoccupation n'étant pas un mal en soi, bien au contraire), tentent, au nom de l'idéologie, de forcer la réalité, au détriment de la soutenabilité recherchée. Une telle démarche mènerait à la reproduction des catastrophe qu'il s'agissait, au départ, d'éviter.

    Mais il y a autre chose. Certains antiproductivistes pur et dur se définissent anticapitalistes par après, simplement parce que le capitalisme est forcément productiviste, et que l’abolition du productivisme implique celle du capitalisme. Mais la fin du capital-« isme » – de la logique recherchant la croissance de la valeur économique et impliquant sa captation par la classe capitaliste (ou par l’Etat, dans le cadre de la social-démocratie redistributive et du capitalisme d’Etat) – n’implique pas nécessairement la fin de régimes autoritaires de propriété et d’exploitation. Il s’agit là d’un aspect que certains antiproductivistes, écologistes radicaux, décroissants, ou autres, occultent parfois largement de critiquer avec insistance (tandis qu’a l’inverse, certains libertaires, ou anticapitalistes  « classe contre classe », se concentrent exclusivement sur la critique du pouvoir et minimisent la question de la transformation systémique, de l’émancipation par rapport à la valeur).

    Enfin, la logique déterministe de certains antiproductivistes pur et dur, inspirée du déterminisme technique d’Ellul, pose problème également. Selon cette logique, si le système productif existe, les gens, la société, seront nécessairement amenés à l’utiliser à plein régime. Cette analyse est largement contestable, et ne trouve grâce qu’au regard d’une surestimation de la démesure, attribuée davantage à une question de nature humaine intrinsèque et inébranlable que de culture, de domination culturelle. Une telle nature humaine est conçue comme invariante. Il s’agit d’ailleurs d’une conception fausse de la nature humaine, car la nature humaine est plastique, telle une grande matrice des multiples possibles qui ne prend forme qu’à travers la socialisation. La culture, ou la socialisation, évolue avec les processus révolutionnaires, les transformations de l’organisation matérielle de la société et des rapports sociaux.  

    2 Décroissance

    « Décroissance » n’est peut-être pas le terme le plus heureux qui soit, mais, à défaut de mieux, il est aujourd’hui, du point de vue de la critique, le plus opérant.

    La décroissance est le courant qui – face aux inconséquences de la croissance verte et du développement durable – développe et met l’accent sur constats scientifiques les plus justes.

    Elle part d’un constat, celui de l’insoutenabilité métabolique du modèle de consommation/production actuel, que ce soit par l’épuisement des ressources ou les impacts sanitaires sur le vivant et son équilibre.

    Mais le terme même à l’avantage, au-delà du seul constat, de signifier explicitement une démarche, une action, un processus, et non pas un état de fait. Cette démarche tient dans trois concepts clés : « Autolimitation » (I.Illich, C.Castoriadis), « Rétroaction » (J.Ellul), « Décélération » (H.Rosa). Ces trois actions ont pour but de réduire l’empreinte de l’Homme (de ses réalisations) sur le vivant. Bien évidemment, se posent tout un tas de questions relatives aux questions de classes, de partage des ressources et des biens produits, de pouvoir de décision.

    LA décroissance, sans-adjectif, en tant que projet politique, est à ce niveau une impasse, puisqu’elle ne traite, en elle-même, que d’une seule dimension du problème, et que les tentatives d’extension et de dilatation de la décroissance, même si elles portent à réflexion, ne font pas l’unanimité. La décroissance est une dimension particulière, un aspect du problème social global – ou de sa solution. Elle ne peut donc ni se suffire à elle-même, ni être niée. La nier reviendrait à la subir, peut-être plus violemment avec des conséquences plus désastreuses ; plutôt que d’en être acteur, de la maitriser socialement et d’en adoucir la portée. Au-delà, elle doit s’accompagner d’un projet d’émancipation s’appliquant à l’économie/aux rapports de production et de distribution : le communisme ; et à la politique/aux rapports sociaux de prises de décision et d’autonomie : l’anarchisme, la démocratie fédéraliste libertaire.

     

    Une histoire de vocabulaire, mais qui a son importance !

    Il ne s’agit jamais que de mots, pour essayer d'être explicite. Mais quand ils ont une définition aussi forte, comme c’est le cas d’ « écologie sociale », il est difficile d'y ajouter de nouveaux sens, surtout lorsque l’on n’est pas l’auteur du concept, et que l’on ne dispose pas de l’autorité permettant de le modifier à sa guise et d’en faire admettre une nouvelle définition. A l’inverse quant la définition est faible pour un concept sans adjectif, il tend aussi vers une polysémie qui rend la communication difficile car confuse. De même que l’adjonction de deux termes polysémiques et controversés, comme écologie et socialisme, qui renvoie aussi bien à des logiques révolutionnaires que réformistes, et leur contraction en « éco-scoialisme », donne lieu à des visions controversées, et renvoie plus à une fonction de mot d’ordre politique qu’a un contenu suffisamment clair et précis. 

    Construire sur des combats précis, avec des objectifs de transformation sociale clairs et adaptés aux exigences de soutenabilité, est évidemment une nécessité pratique. 

    Mais l'autre risque sera aussi celui de faire face à l'écosocialisme, qui dans sa diffusion vers/sa récupération par Ensemble, le PG, le FDG, le PGE, Nouvelle Donne (?) et par le PS, risque de devenir le nouveau mot d’ordre et le nouveau masque du socialisme autoritaire d'Etat, de gouvernements auxquels nos alliés anticapitalistes comme le NPA (du moins son ancienne majorité, pourraient participer. 

    Il faudra un mot d'ordre qui surpasse dans ses perspectives chacune des trois dimensions de l'éco-socialisme-démocratique pour en pointer les limites et supposer ses perspectives de dépassement, quitte à jouer le rôle de garde fous et de boussole du mouvement révolutionnaire. 

    Les mots sont certes minimes dans leur importance, mais pas non plus totalement inopérants. Ils sont un petit plus dans un grand combat. Ils opèrent, à leur petite échelle, comme pierres à l'édifice révolutionnaire.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :